Introduction :
Écrire se justifie principalement pour trois raisons : préparer le tournage (dialogues, découpages…), montrer son projet (producteurs, techniciens, amis…), et progresser dans un projet.
Avant toute chose, les premiers conseils dans l'écriture de ses premiers films pourraient se résumer ainsi : faire court, faire simple, faire riche.
Pour la réalisation de son premier film, il est difficile de commencer par un long métrage. Mieux vaut se concentrer sur un court métrage de quelques minutes. Pour des durées plus longues, il faut savoir créer des atmosphères, des itinéraires, des personnages complexes qui vivent et évoluent au fil des séquences ; on travaillera les dialogues et l'univers des personnages. La durée moyenne d'un film est de 90 minutes, format que préfère la télévision.
Dans l'écriture cinématographique, il faut savoir rester simple ; la digression et l'excès de détails font perdre le fil de l'action.
Pour faire riche, il faut oser des partis pris très marqués, expérimenter, et utiliser ses moyens pour donner du sens. Il ne faut pas faire compliqué, mais original.
L'énorme avantage que nous avons en tant qu'amateur, c'est le temps, si précieux et si cher aux professionnels ; nous pouvons, avec nos moyens limités, tourner, monter et retourner un plan si celui-ci ne s'avère pas optimal.
a) La naissance d'un film :
Pour faire un film, il est nécessaire de se fixer un but et d'effectuer quelques réflexions préliminaires. Pour cela, il faut se poser ces quelques questions : quel est le public visé ? ; Quel est le sujet ? ; Quel est le message ? ; suis-je en mesure de le faire ?
La première question est essentielle. Il faut savoir quel public est visé pour adapter la trame du film, sa présentation, sa qualité ou encore son support d'enregistrement.
Le sujet du film détermine les limites du film. Il doit faire apparaître un fil conducteur et permettre d'éviter la digression.
Un film devra de préférence véhiculer un message, explicite ou implicite.
Est-on en mesure de faire ce film ? Il est parfois difficile de passer de l'idée à la réalisation, pour des problèmes techniques ou de temps par exemple. Il faut alors parfois repenser son film.
b) Les étapes de développement d'un sujet :
Le développement d'un sujet se décline en plusieurs étapes d'écriture codifiées : le synopsis, le scénario, la continuité dialoguée, le découpage technique, le story-board, le dépouillement... Ces étapes sont présentées ci-dessous dans l'ordre de leur création lors de l'écriture d'un film.
· Le synopsis :
À partir d'une simple idée de départ, le scénariste imagine brièvement une histoire. C'est en quelques pages maximum le résumé de ce que sera le futur scénario, où l'histoire y est racontée chronologiquement tout en présentant les personnages. Il doit avant tout accrocher le lecteur.
· Le traitement ou synopsis développé (facultatif):
C'est un synopsis étoffé, qui précise les personnages et la trame de l'action de façon structurée.
· L'adaptation (uniquement pour un roman) :
Si l'histoire d'un film est tirée d'un roman, le scénario est nécessairement une adaptation, c'est-à-dire une interprétation. Il adoptera un certain point de vue, et dans le film, l'histoire sera présentée différemment qu'elle ne l'était racontée dans le livre. À noter que contrairement au livre, le scénario est un outil qui n'arrivera jamais jusqu'au spectateur.
· Le séquencier :
Étape non systématique, le séquencier présente l'histoire segmentée en scènes. En s'aidant du synopsis, le scénariste compose des séquences, au sein desquelles il va développer des actions, créer des personnages, et inventer des lieux. Il suggère aussi l'enchaînement des moments que l'on a choisi de montrer avec un rythme et un ton particuliers. Il décrit l'action et ne comporte pas de dialogues.
Remarque : le travail du séquencier est parfois intégré à celui de la continuité (scénario).
· Le scénario ou continuité :
Il raconte l'histoire en une suite de séquences. Il détaille la scène, le décor, l'effet (jour, nuit…), les actions des personnages, sans notations psychologiques ou sentimentales. La mise en page du scénario est très précisément codifiées (voir fiche modèle).
· La continuité dialoguée ou scénario final :
C'est la même base que l'étape précédente, mais en y ajoutant les dialogues, écrits soit par un dialoguiste, soit par le scénariste ou le réalisateur.
On procède alors à des relectures, afin d'agencer au mieux les séquences du film, de ménager le suspense de donner du rythme, d’éviter les temps morts, ou tout simplement de faciliter la compréhension de l'histoire.
Voici un modèle de scénario final :
MODELE DE SCENARIO
Séquence n° – Décor – Sous-décor – Intérieur ou extérieur/Lumière
Description complète et précise de l'action. On peut décrire la scène et les personnages, mais on ne parle pas d'émotions.
La description de l'action peut être entrecoupée par des dialogues.
PERSONNAGE (didascalies éventuelles)
- Réplique du personnage.
PERSONNAGE (didascalies éventuelles)
- Réplique de son interlocuteur.
Il en est de même jusqu'à la fin de la séquence, puis on enchaîne de façon analogue le scénario de chaque séquence suivante. L'amorce normalisée ci-dessous est rééditable pour l'écriture d'un nouveau scénario.
SCENARIO DU FILM : Page : .
Séq. n° – Décor – Sous-décor – Int. Ou Ext. /Lumière
Action.
PERSONNAGE (didascalies)
Une didascalie est une indication de jeu ou de mise en scène rédigée par l'auteur à destination des acteurs ou du metteur en scène. Elle permet de donner des informations par exemple sur la tenue vestimentaire, une action physique ou parfois l'humeur du personnage.
- Réplique.
Séq. n° – Décor – Sous-décor – Int. Ou Ext. /Lumière
Action.
PERSONNAGE (didascalies)
- Réplique.
· Le découpage technique :
Le, parfois aidé du, reprend le scénario séquence par séquence en imaginant où sera placée la caméra et quel sera son mouvement pour chaque plan. Tout cela est décrit en termes techniques dans le découpage.
Le découpage aboutit à la numérotation de tous les plans, séquence par séquence. C'est à partir de ces numéros que la scripte pourra s'assurer qu'il ne manque aucun plan, et qu'on les retrouvera facilement au montage. Ce sont d'ailleurs ces numéros qui figurent sur le clap, filmé à chaque début de prise.
· Le story-board :
Le story-board er dessine ensuite un petit croquis pour chaque, à la manière d'une bande dessinée. Il s'aide de flèches pour représenter les mouvements de caméra, et précise diverses informations autour de ses dessins.
Pour la description précise du story-board, voir le chapitre suivant : La préparation d'un tournage.
· Le dépouillement :
Le reprend le et note pour chaque plan tous les décors, costumes, accessoires, cascades, et personnes (et techniciens) dont il aura besoin sur le tournage. Le plus simple et le plus lisible consiste à mettre en place des tableaux.
Pour une présentation complète du travail de dépouillement, voir le chapitre suivant : La préparation d'un tournage.
c) Structure d'une réalisation cinématographique :
Les éléments de base de la réalisation cinématographique sont le plan et la séquence.
· La séquence (ou scène) :
La séquence est une unité de lieu, de temps et d'action. Elle-même possède son propre objectif pour faire avancer le récit, et fonctionne de manière autonome (il est possible de déplacer des séquences au montage pour plus obtenir d'efficacité). La segmentation fractionne le récit en séquences, alors que le découpage fractionne la séquence en plans.
· Le plan :
Le plan est l'unité de base du cinéma, l'espace entre deux raccords. Le réalisateur doit faire croire que l'assemblage de deux plans est une continuité. Il peut y avoir plusieurs prises pour un même plan, mais aussi plusieurs plans d'une même action. Un plan se définit par sa valeur (taille), et par la position et les mouvements de la caméra.
· Le plan-séquence :
Il définit quant à lui une séquence composée d'un seul plan. Il permet par exemple dans le film « Panic Room » de nous présenter, sans coupures, tout l'intérieur de la maison où se situe l'action, afin que le spectateur visualise sa structure. Le plan-séquence est difficile à maîtriser et ne doit pas ralentir l'action.
d) La narration :
La narration est la façon de conduire le récit. Le mode narratif précise qui raconte l'histoire en définissant la position du narrateur. De cette position naît un point de vue (appelé aussi focalisation) qui détermine ce que le spectateur va connaître de l'histoire. Le point de vue est un élément de base de l'écriture ; la plus simple des actions est toujours montrée selon un point de vue.
Cette notion de point de vue comporte trois formes.
· La focalisation zéro :
C'est lorsque le narrateur sait tout, voit tout, et connaît tout de l'histoire et des personnages.
· La focalisation interne :
Le point de vue est celui du protagoniste. Le récit se développe de façon subjective à partir de ce que voit et sait le personnage, et le spectateur en connaît donc autant.
· La focalisation externe :
Le point de vue est situé à l'extérieur des personnages. Le récit est conduit de façon plus objective à partir d'un observateur extérieur, qui découvre le protagoniste et comprend ce qui se passe en même temps que le spectateur.
Dans le scénario final, il faudra choisir un seul de ces points de vue. Mais retracer son histoire avec chacune de ces focalisations permet souvent de faire progresser la connaissance que l'on a de son récit.
e) La notion d'ellipse :
L'ellipse est la base de l'écriture cinématographique. Il s'agit d'un événement ou d'une action qui n'est pas montrée, mais que le spectateur reconstitue à partir de ce qu'il a vu avant et de ce qu'il voit après. L'ellipse partielle consiste à intercaler l'image sur le son en continu. Écrire, c'est donc choisir ce qui va être montré et ce qui ne va pas l'être. Un détail ou une action simple suffit à faire comprendre une scène complexe ; quelques moments clefs racontent un événement entier. L'ellipse permet donc de créer le rythme au montage, en ne gardant que les temps forts centrés sur les actions prioritaires.
f) La dramaturgie :
La dramaturgie est une technique de l'effet dramatique et l'art de composer le récit. Elle possède quelques règles fondamentales qui permettent de rendre un récit plus intéressant.
· La structure en trois actes :
La dramaturgie peut adopter la structure en trois actes qui se compose ainsi : l'exposition, qui présente le protagoniste du film, son objectif et son milieu ; la complication, corps du film, où le protagoniste rencontre des obstacles à son objectif ; la résolution, aboutissement de l'histoire, où le protagoniste atteint ou non son objectif.
Le spectateur doit avoir envie d'attendre la fin du film pour connaître la résolution des prémices.
La scène d'exposition d'un film revêt un rôle tout particulier. Outre son importance dans l'histoire, elle doit donner au spectateur le ton du film, l'ambiance qui va l'envahir et le contexte sur lequel s'appuiera la suite du film. Pour un film d'angoisse, si la première scène est particulièrement terrifiante, le spectateur ressentira la même peur à chaque moment du film. Ainsi la première scène de « Jurassic Park » représente un soldat brusquement tué par un dinosaure pourtant en cage ; même si elle n'a pas de valeur narrative, cette scène témoigne de la violence du danger que courront les protagonistes tout au long du film.
· Les mécanismes du récit :
Les mécanismes du récit sont des constantes dans l'écriture d'un scénario.
Le conflit, c'est ce qui attire le spectateur, qui ne veut pas voir l'harmonie quotidienne. Ce peut être toute sorte de conflits : le héros et le reste du monde, des bons et des méchants, deux facettes d'un même personnage, mais encore l'humiliation, la culpabilité ou l'oppression…
Le protagoniste, héros du film, doit être confronté à un problème, au centre du conflit, et c'est à lui que le spectateur va s'identifier. L'objectif du protagoniste doit être clairement identifiable et il ne peut y en avoir qu'en seul. Les obstacles, qui eux peuvent être multiples, éprouvent la solidité de sa résolution.
Les nœuds dramatiques sont des carrefours où l'action rebondit. Les deux plus remarquables sont d'une part l'incident déclencheur : il se situe dans le premier acte et conditionne toute l'action. L'autre est le climax : il correspond à l'obstacle de plus forte intensité. « Protagoniste/objectifs/obstacles » constituent donc le moteur de l'action.
L'histoire revêt son intérêt au travers des personnages qu'elle met en scène. Au tout début de l'écriture d'un scénario, il faut créer des personnages. Pour qu'ils soient intéressants, il faut leur créer un intérieur (passé, vécu…) et un extérieur (comportement, réactions…) ; on préfèrera des personnages complexes et typiques, mais néanmoins nuancés et capables de surprendre.
La première scène après le générique a pour rôle de présenter les trois personnages principaux du film, avec leur quotidien, leurs passions et leurs phobies. Le spectateur se sent tout de suite plus près des personnages, comme s'il les connaissait déjà.
Une implantation est un détail apparemment anodin aux yeux du spectateur qui prend tout son sens plus tard dans l'histoire. Ainsi l'unique poster qu'avait affiché dans sa cellule le héros du film « Les évadés » sera en fait un leurre, cachant le tunnel qu'il creusait juste derrière pour s'échapper. Les implantations établissent des liens dans l'histoire qui font réagir activement le spectateur.
· La forme du scénario :
Il faut privilégier un scénario visuel, émotif, réaliste et cohérent pour le spectateur.
Surprendre et faire monter l'angoisse du spectateur dans une fiction peut être créé par deux méthodes opposées.
Soit on agit par surprise au moment où le spectateur s'y attend le moins ; dans la scène le personnage ne pressentait aucun danger ; au montage la musique ne suggérait aucunement l'arrivée d'un moment fort.
Soit on a auparavant montré à quel type de risque s'exposait le protagoniste, et on joue sur les nerfs du spectateur en lui suggérant, par la musique ou la peur du personnage en détresse par exemple, l'arrivée imminente du danger.
Ainsi le tout dernier plan de « Souviens-toi l'été dernier » fait sursauter une dernière fois le spectateur lorsque le tueur auparavant tué traverse soudainement le décor vitré derrière les personnages. À l'opposé toute la tension du film « Témoin muet » repose sur le premier meurtre horrible d'une femme : un témoin, une femme muette, assiste à la scène et risquera le même traitement si elle n'arrive pas à échapper au tueur ; ce que le spectateur imagine et craint naturellement tout au long du film. Paradoxalement, on a peut-être plus peur si l'on sait à quoi s'attendre, ce que risque la victime, et si le moment fatidique est prévisible.
· Dialogue et monologue :
Le dialogue est fonctionnel ; il fait le point, donne une information, annonce un événement, ou commente une situation. Mieux vaut éviter les dialogues qui n'apportent aucun rôle dans l'histoire. En outre le dialogue doit toujours suivre le caractère du personnage et la situation présente (peur, fatigue…).
Le monologue sert principalement à faire avancer les connaissances du spectateur par rapport à l'acteur.
g) Interaction acteurs/spectateur :
Il existe un certain nombre de jeux de mise en scène visant à interagir avec le spectateur.
· Le hors-champ :
Il désigne une situation où l'acteur voit une action qui a lieu hors du cadre montré au spectateur. Nous connaissons donc l'existence mais pas la nature de cet événement, contrairement au personnage qui lui connaît tout.
· Le masque :
Il désigne une situation où l'acteur prend connaissance d'une information cachée au spectateur par un élément de la scène. Le principe est donc analogue au hors-champ, mais il est encore plus irritant pour le spectateur qui se sent injustement privé d'information. Exemple : dans l'avant-dernière scène de « Billy Elliot », le héros ouvre et lit l'enveloppe qui contient le résultat de son examen, sans que le spectateur puisse en lire l'information.
· L'anticipation :
Elle désigne une situation où le spectateur voit la scène sous un angle différent du personnage qui lui permet de connaître la suite tout proche de l'action. Le spectateur a donc une information déterminante supplémentaire par rapport à l'acteur. Exemple : dans la scène finale du film « Dans la ligne de mire » avec Clint Eastwood, le spectateur sait que le tueur se trouve dans la salle et s'apprête à tirer par surprise sur le Président.
· La complicité :
Elle désigne une situation où le spectateur est le seul à découvrir l'action d'un personnage. Acteur et spectateur en connaissent donc autant, et les conséquences sur la suite de l'histoire sont prévisibles. Exemple : dans la célèbre scène d'infiltration du film « Mission impossible », un court plan nous montre Ethan Hunt plaçant discrètement, à l'insu des autres personnages, des somnifères dans la tasse à café d'un garde qui doit le rejoindre.
Tous ces procédés renforcent l'attention du spectateur qui se sent plus impliqué dans le film.
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